
Prédication du Jeudi Saint 2025
Brève médidation
Brève méditation pour la célébration du jeudi saint 2025
Marc 14 et Jean 13
Nous avons suivi l’homme qui porte la cruche d’eau, il est entré dans la maison. Avons-nous soif ?
Nous sommes désormais dans la chambre haute pour partager tout bientôt le repas de la pâque juive. Avons-nous faim ?
Nous sommes assis autour de la table. Avec qui sommes-nous ?
Judas Iscariot est là. C’est un traître. Il voulait que Jésus libère son peuple de l’oppresseur romain. Ses attentes envers Jésus sont terriblement déçues. C’est insupportable pour lui ! Il va livrer Jésus pour qu’il soit arrêté, condamné.
Simon-Pierre est présent. Avec son caractère fougueux et son désir de suivre Jésus partout, jusqu’au bout. Pierre, cette même nuit, va pourtant renier Jésus trois fois devant le danger. Il a peur. C’est un lâche.
Il y a aussi Thomas. Il est plein d’incompréhensions. Il doute. Il n’arrive pas à discerner le chemin que Jésus emprunte. Il ne croit pas.
Philippe se tient aussi avec les autres. Il est originaire de Bethsaïda comme Pierre et André. Il est convaincu que Jésus de Nazareth est un prophète puissant, un « choisi » de Dieu, au puissant pouvoir. Il le dit même à Nathanaël ! Philippe sait beaucoup de choses. Il est rationnel, il calcule. Il sait mais il veut quand même « voir le Père ». Philippe est pragmatique.
Jude est là aussi. Il cherche à comprendre la mission que Jésus donne aux siens. Mais c’est compliqué ! De toute façon, c’est dans sa nature à Jude. Il complique Jude, il complique ce qui est simple.
Le disciple que Jésus aimait se tient tout près aussi. Tout contre lui, allongé. Il est un intermédiaire pour les autres. Il a une place privilégiée. Et pourtant il semble dormir, somnoler. Il ne se sent pas très préoccupé par le crucial de l’instant. Il est désintéressé. Indifférent peut-être ?
Il y a d’autres invités, dont le nom n’est pas cité, des femmes aussi. Ce n’est pas leur place ! Ne sont-elles pas impures, inférieures ?
Quels drôles d’invités à ce dernier repas du Christ ! On dirait plutôt une cour des miracles avec des gens pas très bien comme il faut.
Ces disciples sont si humains, si faillibles. Et pourtant, ils sont accueillis autour de la table, tels qu’ils sont. Pour y manger le repas de la Pâque juive, qui fait mémoire d’une libération, de la fin d’une situation d’esclavage. Celle de la fin de l’oppression en Egypte, à une vie sans chaîne dans la Terre Promise, pour le peuple juif. Alors, pendant ce repas on boit aussi, le vin, symbole de la joie. Ce soir, nous sommes accueillis à ce repas de la pâque juive, pour faire mémoire d’un autre passage, d’un passage en plus, en surplus, de la mort à la vie, de la tristesse à la joie. Avec, grâce et par Jésus-Christ, l’homme de Nazareth, le Ressuscité. Ce soir, comme il y a presque 2000 ans, nous y sommes accueillis à ce repas comme ses disciples. Accueillis tels que nous sommes, avec toutes nos imperfections, toutes nos traîtrises, toutes nos incompréhensions, toutes nos attentes déçues, toutes nos peurs, nos colères, nos peines, nos doutes, nos désespoirs. Toutes nos joies et nos espérances aussi. Oui, tels que nous sommes !. Que j’ai faim, que j’ai soif de cet accueil radical, ce soir encore plus qu’un autre soir.
Mais c’est donc vrai ? J’y suis accueillie ! Et toi aussi !
C’est bouleversant ! Le Dieu de Jésus-Christ n’attend pas que nous soyons des super héros de la foi, des chrétiens parfaits et performants ! Il n’attend pas de nous tel sacrifice, telle action, telle parole pour nous pardonner et nous aimer. Le Dieu de Jésus-Christ nous attend, nous ! Il nous accueille nous, autour de la Table ! Tels que nous sommes ! Même pas besoin de se comparer aux autres ! Chacun de nous compte.
Jean Calvin exprimait déjà cela dans son petit traité sur la Sainte Cène en 1541:
« Bien que les uns soient imparfaits et les autres moins, toutefois, personne ne défaille en beaucoup d’endroits. Ainsi, nous ne pouvons apporter une intégrité de foi ou de vie à laquelle il n’y aurait rien à redire. »
Ainsi, toutes et tous nous avons part au repas de notre Seigneur. Toutes. Tous. En humilité, en vérité et sans humiliation. Nul n’en est exclu. Le dernier repas du Christ est alors à l’image de l’église voulue par lui : universelle, inclusive, non discriminante, fraternelle, sororelle, plurielle, faillible, relevée, aimante.
Prenons quelques instants pour nous regarder les uns les autres. Ici, ce soir. Regardons-nous. Qu’est-ce qui nous rassemble, alors que nous sommes d’horizons, d’âges, d’opinions, d’origines et même de langues différentes ?
Notre foi ? Peut-être… Sachant que chacun la ressent dans une intimité dont il ne pourra jamais faire participer pleinement l’autre. Ou plutôt notre sentiment de se savoir aimé de Dieu, comme mon voisin ou ma voisine ? Et l’envie de partager avec d’autres cette expérience de la présence de Dieu dans son existence, non ?
Oui, c’est plutôt la grâce, cet amour gratuit de Dieu qui nous rassemble en premier et non pas notre désir de faire partie d’un club des élus ! C’est sa grâce qui nous donne envie de communier ensemble et de prier pendant cette communion pour celles et ceux qui ne peuvent être présents pour des raisons personnelles ou douloureusement collectives.
Ce rassemblement universel généré par le Christ, le pain en est une belle métaphore.
Il faut malaxer l’eau de sa parole avec le levain de son Souffle pour que les grains que nous sommes soient rassemblés et forment un pain de vie, bonne nourriture pour le monde. Partager le pain, manger le pain, se rassasier du pain qu’est le Christ, c’est ainsi manifester notre appartenance à l’humanité voulue par Dieu, une humanité réconciliée, rassemblée, prônant l’amitié dans la richesse de nos différences. Certes, c’est un travail exigeant et quotidien. Mais pour ce faire nous pouvons compter sur nos propres forces, celles des femmes et des hommes de bonne volonté, comme celles données par Dieu lui-même.
Cette volonté d’unité est elle aussi exprimée par le geste que Jésus fait ce soir-là, dans la chambre haute.
Jésus symbolise cela car lors du dernier repas, sur la table, il se trouvait trois pains sans levain, représentant les différentes parties du corps d’Israël :la royauté, la prêtrise et le peuple. En en prenant qu’un et en disant ceci est mon corps, il montre l’égalité de tous, la même dignité de tous devant Dieu ! Il nous rassemble en un seul corps dans son corps. Il nous invite à être des témoins et des faiseurs de dignité. Le plus petit d’entre nous est ainsi notre égal aux yeux de Dieu. Nous sommes invités à en prendre soin. Comme nous pouvons, du mieux que nous le pouvons.
Sur la table du Christ, il y avait aussi 5 coupes de vin, 4 étaient élevées avec une parole de bénédiction et la cinquième l’était avec une parole de malédiction prononcée pour les nations non juives. Jésus en prenant la dernière coupe et en exprimant une parole de bénédiction pour toutes les nations, juives comme non juives, déploie l’universalité de l’amour de Dieu. Il nous indique le chemin à suivre : lutter contre les murs et les hautes barrières. Il nous invite à être des bâtisseurs de routes et de ponts pour aller à la rencontre de l’autre, du différend. Non pas d’abord de celui qui me ressemble, que je connais bien, mais de celui dont le Christ ne cesse de s’approcher. En douceur, en tolérance, en bienveillance.
Nous allons manger le pain, boire le vin tout à l’heure. As-tu faim et soif, de liberté, de justice et d’amour ? As-tu faim et soif d’égalité, de fraternité, de sororité, d’une pleine humanité ? Oui ? Cela commence ce soir, cela recommence ce soir, tranquillement, intensément, avec bonté et en confiance. En partageant le pain et en buvant à la coupe, tu deviens signe joyeux de la présence réelle du Christ dans le monde. Tu participes au don de sa personne pour ouvrir l’humanité à son espérance vive. Pour le monde tout entier. Tu donnes corps à ta vocation ultime.
Oui, nous sommes les témoins du Royaume déjà présent et à venir. Restons fidèles, courageusement. Mangeons, buvons. En communion. Amen